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Quand la technologie prend la clé des champs

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Qu’il s’agisse d’automatisation ou d’analyse de données, l’agriculture, au même titre que le reste de l’économie, n’échappe pas à la digitalisation de ses pratiques et de ses équipements. Une (r)évolution qui offre de nouvelles perspectives pour répondre aux besoins des agriculteurs et aux attentes de la société.

On pourrait croire ces machines tout droit sorties d’un film de science-fiction : de grands portiques montés sur roue, équipés de caméras et de capteurs parcourant des champs de blé. Non, il ne s’agit pas d’une scène d’un prochain film à gros budget d’Hollywood, mais du projet Mineral d’Alphabet, holding de Google. Le principe ? Des robots chargés de récupérer des milliers d’informations du sol et des cultures. En les combinant avec des données GPS et climatiques, il est possible d’optimiser la production agricole et de cartographier la moindre parcelle. Loin d’être anecdotique, cette innovation testée pour l’heure aux Etats-Unis, symbolise à elle seule à quel point les nouvelles technologies ont désormais bien germé au sein du monde agricole. « L’utilisation d’outils high-tech est aujourd’hui monnaie courante pour la grande majorité des agriculteurs », explique Matthias Carrière, Directeur Commercial de la société NAIO TECHNOLOGIE, entreprise spécialisée dans la fabrication de robots agricoles.

Une culture de l’innovation historique

Car loin de l’image d’Epinal d’une population à la traîne technologiquement, les agriculteurs sont au contraire ultra-connectés, voire early adopters comme on dit. « Ils ont toujours utilisé les nouvelles technologies. Dès les années 1980, le GPS a fait son arrivée dans les cultures de grand champ. Aujourd’hui, un agriculteur sur deux en est équipé », poursuit Matthias Carrière. Depuis, les innovations n’ont cessé d’équiper ces professionnels de la terre. Si bien, que l’on parle aujourd’hui d’une véritable smart agriculture, ou agriculture 4.0. « On fait ici référence à l’utilisation d’outils et de nouvelles technologies dans le but de tendre vers une agriculture efficiente et précise. C’est un moyen d’aider l’agriculteur face à des systèmes de production de plus en plus complexes à piloter, aux  changements climatiques et aux attentes de la société notamment », ajoute Pascaline Pierson, Responsable de la ferme expérimentale au sein d’Arvalis, institut technique agricole français, spécialisé dans la recherche appliquée à l’agriculture. « On distingue deux grandes familles d’appareils dans la smart agriculture : le monitoring sur le végétal et l’animal grâce à des capteurs qui effectuent mesures et relevé ; les agroéquipements qui assistent l’agriculteur directement dans la pratique de ses activités quotidiennes ».

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Faciliter le travail de la terre

Installé depuis 1994 dans la plaine de la Woëvre entre Metz et Verdun, Laurent Thiry s’est lancé dès 2012 dans l’achat d’un tracteur en autoguidage. « J’ai toujours été intéressé par l’innovation digitale et ses applications à notre métier. Lorsque je me suis équipé de ce premier appareil, j’ai tout de suite compris les avantages d’une telle technologie : gain de temps, précision, etc. ». Laurent peut paramétrer son tracteur pour qu’il se déplace seul d’un point A à un point B en ligne droite, tout en restant dans la cabine de pilotage. « Rester derrière un volant durant plus de 16 heures est très fatigant. Je sentais bien que j’étais crispé à la fin de la journée. Avec l’autoguidage, bien qu’il faille rester alerte, je suis plus détendu. De plus, lorsqu’un de mes enfants me donne un coup de main, il n’a rien à gérer, tout est déjà paramétré ».

Une agriculture de haute précision

Autre avantage dans le travail quotidien des cultures : un degré de précision extrêmement pointu. « Il y a deux ans, j’ai investi dans un deuxième tracteur en autoguidage, équipé d’un système de coupe de tronçons automatique. Il est capable d’indiquer au pulvérisateur si tel endroit de la parcelle a déjà été traité ou non ». Une technologie très poussée comme l’explique Isabelle Aeschlimann, Responsable Marketing et Communication d’Ecorobotix, entreprise spécialisée dans la pulvérisation de ultra haute précision. « Grâce à des centaines de milliers d’images rassemblées dans une base de données, un algorithme reconnaît les plantes et est capable de pulvériser des herbicides et fongicides exactement où il faut ». De quoi cibler au centimètre près et s’assurer ainsi de préserver la biodiversité comme le confirme Matthias Carrère. « En matière environnementale, la pulvérisation de haute précision est une vraie chance pour la préservation des écosystèmes ». Et les équipements de Laurent Thiry ne s’arrêtent pas là : station météo connectée, moissonneuse permettant de cartographier les rendements…

La smart agriculture permet d’atteindre un degré de précision inégalé grâce notamment aux outils d’aide à la décision (OAD), qui garantissent l’apport de la bonne dose d’intrant (engrais, produits phytosanitaires, eau) au bon moment. L’outil farmstar® par exemple, développé par Arvalis et Airbus Defence and Space, s’appuie sur les données satellites afin de rendre possible la géolocalisation précise des apports d’intrants. Quand l’espace se met au service de la terre !

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Répondre à des enjeux de société

« Que ce soit pour faire du semis de précision ou pour surveiller le  stockage en mesurant la température d’un silo par exemple, la smart agriculture peut intervenir à toutes les étapes de la culture. Elle est à la fois un outil de pilotage tactique au jour le jour et une aide pour  avoir une vision sur l’avenir », complète Pascaline Pierson dont l’institut dispose de plusieurs  digi-fermes au sein d’un réseau dans la France entière, qui teste des outils connectés en conditions réelles. Celle d’Ouzouer-le-Marché (Loir-et-Cher), qui a fêté ses 20 ans en 2020, a inauguré dès 2015 la plateforme Phénofield qui vise à caractériser le comportement des plantes en période de déficit hydrique. Equipée de huit serres mobiles, ou « parapluies roulants », couvrant une superficie de 5 000 m², elle enregistre des millions de données qui permettent d’identifier les gènes contribuant à la tolérance à la sécheresse du maïs et du blé. Objectif : adapter les grandes cultures aux changements climatiques. « Toutes ces technologies permettent d’avoir une agriculture sur mesure qui s’adapte aux spécificités locales, de la plante, du sol , du climat, des objectifs fixés par l’agriculteur etc. », précise Pascaline Pierson qui y voit une opportunité également pour la reconnaissance vis-à-vis de la société. A l’heure où les consommateurs demandent plus de transparence sur les produits qu’ils consomment, la smart agriculture permet de tracer et de prouver. Elle crée une nouvelle chaîne de valeur, du bien-être pour l’agriculteur, comme pour la société.

LE B.A.-BA

  • La smart agriculture regroupe l’ensemble des outils et de nouvelles technologies au service d’une agriculture efficiente et précise.
  • Les agriculteurs sont une population connectée : un agriculteur sur deux est équipé d’un GPS.
  • La smart agriculture permet de répondre à des enjeux d’avenir (climatiques, de productivité etc.) et aux attentes de la société.

Crédits photo : Adobe stock et arvalis b-Perriot

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