Qu’est-ce qu’une bonne année ?


Transportées par camion, par bateau ou par le rail, les céréales françaises voyagent loin, parfois jusqu’au bout du monde. C’est ainsi depuis longtemps et c’est une force à préserver. Depuis le milieu du 20ème siècle, elles participent d’une économie globalisée, avec ses cours et ses cotations, ses négociants et ses traders. La production céréalière française, une des plus performantes au monde, sert à la fois une consommation intérieure (alimentation humaine, animale, industries de transformation, …) et un marché à l’échelle globale. Pour connaître le prix auquel ils vendront, les céréaliers français scrutent donc les résultats de la Russie, des États-Unis, de l’Ukraine ou de la Chine, des acteurs capables d’imprimer leur marque aux cours des céréales.
Comprendre l’économie de la production céréalière
Sur les quelques 300 000 agriculteurs qui produisent des céréales en France, 70% environ livrent leur production aux coopératives agricoles. Les 30% restants confient leurs céréales à des négociants privés
La rémunération du céréalier peut se faire de plusieurs manières, comme l’explique Christophe, céréalier dans les Yvelines :
« Je travaille avec deux coopératives, et j’ai plusieurs modes de commercialisation ; certains comportent des risques parce qu’ils sont soumis aux prix très volatiles du blé, d’autres m’apportent de la sécurité pour atteindre mes objectifs annuels. Je peux par exemple vendre au prix du marché, au jour le jour -il faut attendre le bon moment et ne pas trop attendre car les prix baissent progressivement. Un autre système consiste à fixer avec ma coopérative un « prix de campagne », c’est-à-dire un prix moyen, fixé avant moisson, qui me sera payé quelle que soit la qualité ou le rendement. C’est plus sécurisant, mais moins rémunérateur. Une dernière solution consiste à acheter des CALLS ou des PUTS sur les marchés à terme- NDLR des outils d’assurance contre la volatilité des cours- Là, je suis « en direct » sur un marché virtuel. Tout le monde ne le fait pas ; pour ma part, je suis accompagné par un cabinet de conseil. »

La moisson, moment crucial, est l’occasion pour les céréaliers de faire un bilan de l’année écoulée.
La qualité, facteur-clé
Comme dans toute culture, il existe plusieurs niveaux de qualité. Taux de protéines, temps de chute, mitadinage ou poids spécifique sont des indices de la qualité céréalière. Ils répondent à des exigences normatives ou à des standards exigés dans les filières de transformation.
Un exemple simple : pour la baguette, le taux de protéines minimal du blé fourni au meunier doit être de 11,5%. Ce taux de protéines garantit notamment l’élasticité de la mie. Plus le taux de protéines est élevé, plus le boulanger peut travailler des pâtes élastiques. Le blé utilisé pour la fabrication du pain de mie doit afficher quant à lui un taux de protéines de plus de 12,5%. Certains céréaliers sont même spécialisés dans ce que l’on appelle les « blés améliorants » ou « blés de force », qui affichent des taux records jusqu’à 18% de protéines ! Ces blés, très recherchés et valorisés comme tels, sont utilisés en boulangerie pour renforcer la qualité du pain.
Une année à mettre dans la balance
Mais le prix payé et la qualité ne font pas tout. Lorsque son grain est “rentré”, c’est le moment pour le céréalier de faire les comptes. Pour Christophe, l’année 2018 a été marquée par les pluies…
« Les pluies continues du printemps ont fait chuter le rendement de 15 quintaux par hectare (soit 20% du rendement à l’hectare, NDLR). Les excès d’humidité se traduisent par une plus forte pression des ravageurs et des maladies. Heureusement, je plante une variété rustique qui s’adapte. Mais entre les apports d’engrais et les traitements de protection des plantes, les charges ont été importantes cette année pour maintenir la qualité.»

Des farines de qualité garantissent les propriétés nécessaires à la fabrication du pain.
Tous dépendants du climat !
Au-delà des logiques de marché, de la quête du rendement et de la qualité, il reste une évidence : les céréaliers vivent d’une activité dépendante du climat. L’agriculture est certainement une des dernières activités intimement liées à la nature et à ses manifestations. C’est pourquoi le savoir-faire des hommes et des femmes de ce métier, leur connaissance des terroirs et leur science du végétal sont précieux.

5 millésimes de la production céréalière française commentés
2007 : de faibles quantités mais des cours mondiaux qui ont explosé à la hausse en raison des coups de chaleur dans plusieurs régions du globe.
2010 : une bonne qualité avec une explosion des cours à des records jamais vus en raison des incendies en Russie et de la fermeture de ses frontières aux exportations de blé.
2015 : la récolte historique qui dépassa les 40Mt en blé, mais avec une qualité et des prix moyens.
2016 : la pire moisson en rendement depuis 30 ans : les conditions météo ont empêché la formation des grains. Prix mondiaux faibles. Une année noire pour les producteurs français !
2018 : une année moyenne : une qualité des grains exceptionnelle et des prix mondiaux corrects.
